Si les sénateurs vont continuer de détricoter le projet de loi Travail en séance publique à compter du 13 juin, la ministre Myriam El Khomri a annoncé qu’elle intégrerait des amendements issus du rapport visant à « développer la culture du dialogue social ».
Alors que le Sénat est en train de transformer – temporairement – le projet de loi Travail en vitrine programmatique des Républicains (lire l’encadré), la ministre du Travail, Myriam El Khomri, entend s’appuyer sur cette étape parlementaire pour y intégrer des amendements visant à « développer la culture du dialogue social ».
C’est ce qu’elle a indiqué lors de la remise officielle du rapport du Conseil économique, social et environnemental sur le sujet, le 1er juin dernier. La ministre a vu dans le document coécrit par Luc Bérille, secrétaire général de l’Unsa, et Jean-François Pilliard, ex-Monsieur social du Medef, « la preuve qu’au-delà des postures, il y a dans notre pays des femmes et des hommes qui croient au dialogue social et qui veulent le mettre au cœur de notre projet de société ».
Quatre amendements au projet de loi
Adopté à une large majorité au Cese (147 voix pour, 5 voix contre, 27 abstentions), le rapport émet 36 recommandations. La ministre en a retenu trois qui « auront leur place dans [son] projet de loi » :
- l’évaluation de la mise en œuvre de la base de données économiques et sociales
- l’expérimentation, par les branches, d’une réunion annuelle des salariés des entreprises de moins de 11 salariés volontaires sur leurs conditions de travail et leur amélioration
- et l’enrichissement des accords de méthode.
Autre recommandation intégrée, un amendement confiera au Cese le soin d’établir des bilans quinquennaux du dialogue social. Myriam El Khomri a aussi dit approuver la « préconisation consistant à confier au défenseur des droits un rapport sur l’état des discriminations syndicales ».
En matière de valorisation des parcours et de l’engagement syndical, la ministre renvoie au bilan des avancées de la loi sur le dialogue social et l’emploi, citant le mécanisme de non-discrimination salariale, les entretiens obligatoires pour les titulaires de mandats lourds, le dispositif de valorisation des acquis de l’expérience.
Des chantiers de long terme
« Mais la plupart, l’essentiel, même, [des propositions du rapport] ne sont pas législatives et relèvent du plus long terme », a indiqué la ministre. Elle souhaite ainsi ouvrir « un grand chantier avec Najat Vallaud Belkacem [la ministre de l’Éducation] et l’ensemble des partenaires sociaux et des acteurs de l’éducation » pour faire du dialogue social auprès des élèves « une part entière de leur éducation civique et citoyenne » et intégrer le dialogue social « dans les programmes des universités et des grandes écoles (…) pour former une génération de managers et de chefs d’entreprises qui seront allants sur cette question. »
Surtout, la ministre a renvoyé le développement de la culture du dialogue social aux partenaires sociaux, afin qu’ils « le fassent vivre, par leurs initiatives, par leurs expérimentations, par leur action ». À bon entendeur…
Au Sénat, un projet de loi pour la galerie
C’est un projet de loi méconnaissable qui est sorti de la commission des affaires du Sénat. Qualifié d’« acte I de la refondation du droit du travail », il se veut la vitrine programmatique de la droite dans le cadre de la bataille pour les primaires, fin 2016.
Retour aux 39 heures hebdomadaires, levée des 24 heures hebdomadaires minimales pour les temps partiels, mise en place du forfait jour par simple convention individuelle, négociation directe avec les élus du personnel dans les entreprises de moins de 50 dépourvues de délégué syndical, référendum à la main de l’employeur en l’absence de représentants du personnel ou en cas d’opposition majoritaire des organisations syndicales sur un accord, suppression du compte engagement citoyen et des six facteurs de pénibilité qui doivent entrer en vigueur au 1er juillet prochain (manutentions manuelles, postures pénibles, vibrations mécaniques, agents chimiques, températures extrêmes, bruit), renoncement à la généralisation de la garantie jeunes, suppression de la responsabilisation des plateformes numériques envers les personnes qu’elles font travailler, suppression des instances de dialogue social dans les réseaux de franchise, réintroduction du plafonnement des indemnités prud’hommes…
Une véritable offensive, sans espoir d’aboutir : en cas de désaccord entre les deux chambres, c’est la version issue de l’Assemblée nationale le 13 mai dernier, enrichi des amendements que le gouvernement aura souhaité reprendre à son compte, qui sera mise au vote final. Mais la preuve que « la culture du dialogue social » a d’indéniables marges de progrès.
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