Le recours au 49-3 pour faire adopter le projet de loi Travail n’a pas empêché le gouvernement d’intégrer de nouveaux amendements dont certains étaient des points clés pour la CFDT.
Considérablement écourté à l’Assemblée, « le temps du Parlement » n’en a pas moins apporté de nouvelles modifications au projet de loi Travail.
Avant d’engager sa responsabilité par le biais du 49-3 sur le projet de loi « visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs », le gouvernement a intégré 469 amendements (gouvernementaux comme parlementaires) à la version du texte sortie de la commission des affaires sociales.
Des points clés pour la CFDT
Si Laurent Berger a estimé que « le 49-3 n’est pas une bonne méthode », il a préféré s’attacher au contenu du texte adopté du fait du rejet de la motion de censure déposée par l’opposition (Les Républicains et l’UDI).
La CFDT, qui n’a cessé de peser pour améliorer le projet de loi, entendait à la fois obtenir de nouvelles avancées lors de cette étape parlementaire et veiller à ce qu’il n’y ait pas de reculs sur celles obtenues lors de la concertation avant l’adoption du texte en Conseil des ministres et par les amendements adoptés en commission des affaires sociales.
Elle avait ainsi fait du maintien du mandatement dans les entreprises privées de représentation syndicale une priorité, tout comme la nécessité de graver dans le marbre de la loi la généralisation de l’accord majoritaire dans les entreprises.
Elle continuait par ailleurs de revendiquer l’extension du périmètre d’appréciation des critères en cas de licenciement économique à l’ensemble de l’entreprise ou du groupe et l’élargissement du compte personnel d’activité aux 43 000 salariés des chambres consulaires.
Sur ces différents points, force est de constater que la CFDT a obtenu gain de cause.
C’est le cas sur le licenciement économique. Le gouvernement a ainsi repris à son compte l’amendement du rapporteur Christophe Sirugue visant à « supprimer la limitation au seul territoire national, introduite par le projet de loi, du périmètre pris en compte pour apprécier les difficultés économiques d’une entreprise relevant d’un groupe ».
Comme le prévoit la jurisprudence actuelle, les difficultés économiques et la nécessité d’assurer la sauvegarde de la compétitivité d’une entreprise seront appréciées au niveau de l’entreprise ou, si l’entreprise appartient à un groupe, au niveau du secteur d’activité commun aux entreprises du groupe, quel que soit leur lieu d’implantation.
Généralisation au 1er septembre 2019
En ce qui concerne les accords majoritaires, le gouvernement a rétabli leur généralisation pour la validation des accords d’entreprise (avec une majorité d’engagement à 50 % ou par consultation des salariés à la demande de syndicats représentant 30 % des suffrages) au plus tard au 1er septembre 2019, comme l’escomptait la CFDT.
La commission des affaires sociales avait soumis cette généralisation à une évaluation préalable par le Parlement. Les nouvelles règles de validité des accords collectifs s’appliqueront dès la publication de la loi pour les accords de préservation ou de développement de l’emploi.
Les salariés licenciés pour cause de refus d’application de tels accords à leur contrat de travail bénéficieront de mesures d’accompagnement proches du contrat de sécurisation professionnelle. Le texte prévoit par ailleurs que l’accord peut prévoir les conditions dans lesquelles les dirigeants salariés et les actionnaires fournissent des efforts proportionnés à ceux demandés aux autres salariés. Enfin, un bilan de l’application de l’accord est effectué chaque année par ses signataires.
Le gouvernement a par ailleurs repris l’amendement du rapporteur Christophe Sirugue qui confère un rôle de « sentinelle » aux branches : « les commissions paritaires de branche [créées à l’article 13 du projet de loi] dressent chaque année un bilan de l’activité conventionnelle des entreprises de leur secteur dans les domaines concernés » – durée du travail, repos, congés.
Le CPA encore élargi
La CFDT a également obtenu gain de cause en ce qui concerne l’élargissement du compte personnel d’activité aux 43 000 salariés des chambres consulaires. Quant aux retraités, qui s’étaient vu ouvrir l’accès du CPA par la commission des affaires sociales, ils n’auront finalement accès qu’au compte d’engagement citoyen créé au sein du CPA, mais pas au compte personnel de formation, destiné à sécuriser les parcours professionnels des actifs.
Enfin, les salariés sans qualification verront leur CPF abondé de 48 heures par an (et non 40 comme initialement annoncé par le gouvernement) au lieu de 24 heures actuellement. Autre avancée pour les 350 000 salariés des réseaux de franchise, la mise en place de représentants du personnel et d’une instance de dialogue social, dès lors que le réseau emploie plus de 50 salariés, avec possibilité de mettre en place des activités sociales et culturelles et de négocier et conclure des accords.
La « surtaxation des CDD » renvoyée à la négociation
Annoncée par le gouvernement comme l’une des mesures phares de la lutte contre la précarité, la « surtaxation des CDD » n’a finalement pas été retenue dans le projet de loi adopté à l’Assemblée nationale. La mesure avait suscité l’ire des organisations patronales Medef et CGPME, alors que la négociation sur l’assurance-chômage est en cours. « La surtaxation des CDD est renvoyée à la négociation assurance-chômage qui est le bon lieu pour le traiter », a sobrement commenté Laurent Berger. Et le secrétaire général de rappeler la proposition de la CFDT mise sur la table de la négociation, qui consiste en une cotisation dégressive en fonction de la durée du contrat de travail, afin d’inciter les employeurs à des comportements plus vertueux.
« Au final, ce qui m’intéresse comme syndicaliste, c’est la situation des salariés et le projet de loi en l’état comporte des avancées pour eux », a commenté Laurent Berger. Et le secrétaire général de la CFDT de regretter que le débat public se concentre sur « les jeux de postures » autour d’un projet de loi qui « cristallise les ressentiments et les clivages » plutôt que sur le contenu du texte, empêchant ce faisant de « mener les bons débats ».
Le texte va maintenant poursuivre son parcours législatif. La commission des affaires sociales du Sénat auditionnera la ministre Myriam El Khomri le 17 mai puis les organisations syndicales le 18, avant d’entamer l’examen du texte le 1er juin. Et ce n’est que le 14 juin que les sénateurs débattront en séance publique du projet de loi. Le « temps du Parlement » se poursuit.
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