Il est désormais le seul témoin loir-et-chérien du congrès extraordinaire des 6 et 7 novembre 1964, à Paris, qui a scellé la création du syndicat CFDT. André Dessay raconte.
Ses souvenirs demeurent intacts. Le Blésois André Dessay, 86 ans, n’a rien oublié du congrès extraordinaire des 6 et 7 novembre 1964, à Paris, qui a vu la naissance de la CFDT. Et de toute sa préparation, des mois en amont, dans les départements. Dans les entreprises, les échanges et les débats allaient bon train entre adhérents de la CFTC. Tout l’enjeu reposait sur la conservation ou non de la « morale sociale chrétienne ».
Le militant André Dessay a gardé précieusement les bulletins de vote des élections qui se sont jouées en octobre 1964 au sein d’EDF-GDF 41 où il travaillait. 110 adhérents CFTC étaient appelés à répondre à deux questions : « Approuvez-vous le remplacement de l’actuel article 1 des statuts par le projet proposé ? » et « Approuvez-vous le remplacement du titre Confédération française des travailleurs chrétiens par Confédération française démocratique du travail ? » Le scrutin s’est soldé par 72 voix pour.
Un bulletin de vote soumis aux adhérents de la section syndicale EDF-GDF 41 pour se prononcer sur le passage de la CFTC en CFDT.
« L’occasion de nous ouvrir des champs nouveaux »
Les prémices d’un tournant pour la CFTC, organisation syndicale qui a vu le jour en 1919. « Le but était d’ouvrir notre centrale syndicale à tous les salariés quelles que soient leurs convictions religieuses ou pas, mais aussi aux salariés étrangers de confession musulmane arrivés en France pour les chantiers des Zup, explique le syndicaliste. C’était l’occasion de nous ouvrir des champs nouveaux. »
Quand est venue la date du congrès à Paris, Yves Elbory, figure marquante du syndicalisme loir-et-chérien, et André Dessay sont montés à la capitale. Il n’oubliera pas la prise de parole solennelle d’Eugène Descamps, secrétaire général de la CFTC puis de la CFDT, juste avant le vote. « À l’échelle nationale, 70 % des votes ont validé la transformation du syndicat. 20 % ont finalement accepté ce changement et les 10 % restants ont poursuivi avec la CFTC. »
« Le syndicalisme est fait pour émanciper les citoyens »
Pour Guillaume Le Roy, secrétaire actuel de l’union départementale CFDT 41, « l’histoire de ce syndicat permet de mieux en comprendre ses principes. La CFDT s’est bâtie sur l’inclusion des personnes étrangères. C’est notre ADN encore aujourd’hui. » « On a enlevé la morale chrétienne pour la remplacer par des valeurs d’humanisme », confie Rose-Marie Duveau, secrétaire générale de l’Union territoriale des retraités CFDT 41.
André Dessay est persuadé qu’il n’aurait jamais eu ce parcours de militant en prenant un autre chemin professionnel. Après la sortie de l’école Pigier, où il a appris la comptabilité, l’adolescent, originaire de La Chaussée-Saint-Victor, a eu le choix entre un poste dans un cabinet d’expert-comptable ou chez EDF.
À son arrivée chez EDF, il participe, emmené par la CGT, à sa première grève en 1954. « J’ai découvert le langage syndical. » Deux ans plus tard, il adhère à l’âge de 18 ans – pas encore majeur à l’époque – à la CFTC en le cachant à ses parents. Un engagement qui ne le quittera plus. Secrétaire du syndicat EDF CFTC 41 à 23 ans, il devient ensuite permanent à la FCE (Fédération chimie énergie) CFDT. Un poste à temps plein qui le conduisit chaque semaine à Paris pendant quinze ans.
S’il a beaucoup appris durant cette période, il reconnaît que sa réinsertion, après son expérience de permanent, n’a pas été simple. Il évoque la « pesanteur de la hiérarchie ». Guillaume Le Roy est conscient de cette difficulté mais assure qu’un syndicaliste doit garder ce rapport au terrain : « On est avant tout élus par des salariés. Il faut donc un minimum évoluer dans leur monde pour les comprendre », ajoutant : « Le syndicalisme est fait pour émanciper les citoyens. »