Le Bureau national de la CFDT réuni les 16 et 17 mars a analysé le contexte et le contenu de l’avant-projet de loi sur le travail.
La France reste minée par un chômage massif, la montée de la précarité, les difficultés de l’insertion dans l’emploi des jeunes. Les citoyens doutent de leur avenir et de la capacité du pays à rebondir.
Le Bureau national considère que les sécurités pour les salariés sont essentielles pour construire une économie compétitive, pour créer des emplois et réduire les inégalités. Comme l’affirme la résolution du congrès de la CFDT de 2014, c’est la montée en qualité du modèle productif par l’innovation, la compétence, la sécurisation des parcours des travailleurs et la qualité de vie au travail qui est la seule voie.
Face à cette situation, les arbitrages et décisions prises au plus haut niveau de l’Etat apparaissent davantage issus de tactiques indéchiffrables que de choix politiques assumés en faveur de la démocratie sociale.
Ce climat économique et politique conduit à une exaspération sociale qu’expriment les salariés et les équipes CFDT dans les entreprises et les administrations : pas assez de sens donné aux nombreuses réformes, faibles engagements des employeurs dans le cadre du pacte de responsabilité et du CICE, et même parfois absence de loyauté des interlocuteurs patronaux.
C’est dans ce contexte qu’a été rendu public l’avant-projet de loi travail. Un texte que la CFDT a jugé sans cohérence puisqu’il ne choisissait pas entre une démocratie sociale moderne et un modèle essentiellement libéral.
La CFDT s’est employée à jouer son rôle d’organisation syndicale en toute autonomie : s’opposer à ce qu’elle jugeait inacceptable, établir le rapport de forces par la mobilisation et la construction de contre-propositions.
Le Bureau national constate avec satisfaction que la stratégie conduite par la CFDT a permis dans un premier temps le report de l’examen du projet de loi par le conseil des ministres. L’élaboration de contre-propositions CFDT, la déclaration commune du 3 mars avec la CFTC, l’Unsa, la CFE-CGC et la Fage, ont ensuite conduit à obtenir une profonde réécriture du texte par le gouvernement, en particulier :
- Le droit applicable en matière de durée du travail en l’absence d’accord d’entreprise ou de branche est rétabli en conformité avec le droit actuel : retrait des dispositions sur les apprentis mineurs, les astreintes et le fractionnement des repos ; modulation sur une durée supérieure à un an conditionnée à un accord de branche ; organisation du travail en forfait jours conditionnée à un accord quelle que soit la taille de l’entreprise.
- Le dialogue social redevient la règle partout avec le retrait des dispositions prévoyant un pouvoir unilatéral de l’employeur, au profit des accords de branche type et du mandatement d’un salarié de l’entreprise par une organisation syndicale.
- Le rôle de régulation de la branche est réaffirmé.
- Les dérives libérales sont écartées avec le retrait du plafonnement des dommages et intérêts aux Prud’hommes en cas de licenciement abusif et la réécriture de l’article sur le licenciement économique.
- Le compte personnel d’activité est renforcé sur la formation professionnelle des jeunes, des demandeurs d’emploi et des salariés sans qualification et par la généralisation de la garantie jeunes qui est une avancée majeure pour l’insertion des jeunes les plus éloignés de l’emploi.
Cette réécriture permet de passer d’un projet de loi déséquilibré et injuste à un projet de loi potentiellement porteur de progrès pour les travailleurs et pour les jeunes.
Dans la continuité des engagements de la CFDT depuis de longues années, nous franchissons de nouvelles étapes dans la sécurisation des parcours et le renforcement du dialogue social :
- La CFDT construit pierre après pierre la sécurisation des parcours professionnels depuis l’accord national interprofessionnel de 2008 sur la modernisation du marché du travail, puis en 2013 avec la création du Compte personnel de formation et les droits rechargeables à l’assurance chômage, le Compte personnel de prévention de la pénibilité. La création du Compte personnel d’activité marquera une étape significative vers des droits attachés à la personne et plus seulement à son statut.
- La CFDT se bat depuis longtemps pour le renforcement de la place et du rôle du syndicat dans l’entreprise : reconnaissance de la section syndicale dans l’entreprise en 1968, négociation d’entreprise obligatoire dans les lois Auroux en 1982, multiplication de la négociation d’entreprise lors du passage aux 35 heures, représentativité syndicale et règles de validité des accords en 2008.
La réorganisation des relations sociales autour d’un ordre public social fixé par la loi, un rôle de la branche réaffirmé, un renforcement de la négociation d’entreprise et le mandatement dans les petites entreprises sont de nature à amplifier le dialogue social et la négociation collective, au plus près des réalités des entreprises et des salariés. Le « droit supplétif » qui s’applique lorsqu’il n’y a pas d’accord de branche ou d’entreprise, est maintenu au niveau du Code du travail actuel.
Le Bureau national, se félicite de l’action déterminée de la CFDT qui a pesé sur les décisions par sa mobilisation et ses propositions. Pour autant il ne donne pas un chèque en blanc au gouvernement.
La CFDT reste donc mobilisée jusqu’à l’issue du débat parlementaire pour que les modifications obtenues soient effectives et le texte encore amélioré en particulier sur les conditions des licenciements économiques et les accords de préservation de l’emploi.